15 déc. 2012

Rencontre


Un long frisson parcourut l’échine de Sean. Un frisson familier. 
Ses sens, plus aiguisés que la moyenne, repérèrent aussitôt la source du malaise. Elle avançait d’un pas conquérant à travers les jardins du campus, juchée sur ses hauts talons, son regard émeraude pétillant de malice. Lena. Ses cheveux roux remontés en une queue de cheval folâtre, les mèches éparses sous les souffles d’automnes, un rouge à lèvre assorti à son vernis. Il ne put s’empêcher de déglutir lorsqu’il la vit s’approcher de lui, un sourire énigmatique sur ses lèvres tandis qu’elle rajustait sa veste en cuir d’un geste sec. Son short était bien trop court, son décolleté trop plongeant. Et son parfum, mélange de féminité humaine avec une note farouche de ceux de son espèce.
Il exhala en levant les yeux au ciel. Tante Lilian ne lui avait-elle pas préconisé de ne pas s’approcher de ce genre d’individus ? Leurs peuples n’avaient jamais été en très bon termes, et si la trêve durait depuis quelques siècles désormais, la situation n’était pas des plus stables. 
— Sean Brown, c’est ça ?
Un nom aux allures trop communes, passe-partout, qu’on en entendait partout, aux États-Unis. Mais c’était le cas de tous les membres de son ordre, pour des raisons de discrétions.
— Lui-même. 
Il plongea son regard dans celui de Lena et remarqua pour la première fois les paillettes dorées qui y dansaient. Elle lui dédia son plus beau sourire, fit un pas en avant. Ses boucles d’oreilles créoles – en argent, son peuple appréciait particulièrement ce métal – frôlèrent ses joues lorsqu’elle leva une main pour ranger une mèche de cheveux derrière son oreille. 
Tout son être criait grâce, voulait fuir cette magie incompatible avec la sienne. 
Elle attrapa avec une lenteur toute calculée son paquet de Dunhill dans sa poche, coinça une cigarette entre ses lèvres, puis y approcha la flamme de son Zippo. La lueur dansa sur ses traits opalescents. Elle inhala une longue bouffée, tourna la tête pour ne pas souffler la fumée sur son interlocuteur. Silencieux, Sean se contenta d’enfouir les mains dans les poches de son jeans. La patience était une vertu qu’il avait appris à maîtriser au fil des années, suite à la disparition de ses parents et sa cohabitation forcée avec sa tante excentrique et super-guerrière. Sans compter les entraînements interminables.
— Je suis Lena. 
— Je sais, répliqua-t-il. 
Patient, certes, mais il avait à faire et si elle pouvait aller droit au but, ça l’arrangerait. 
Elle battit ses cils, comme si elle enregistrait l’information. Il capta un bref éclat d’amusement sincère dans les prunelles émeraude, sans parvenir à y déceler ce qui était drôle dans leur échange. 
— Tu sais, ce n’est pas parce que nos peuples ont des différents que l’on ne peut pas s’entendre, chantonna-t-elle d’une voix basse, sulfureuse. 
Elle fit un pas de plus vers lui. Il réfréna le désir urgent de reculer, garda son calme, serra les dents. Ses muscles se tendirent, prêt à entrer en action, à parer à la moindre éventualité. D’un regard circulaire, il avisa la flopée d’étudiants qui se trouvaient dans les environs, et l’inquiétude monta en lui. Trop dangereux d’engager le combat ici, trop de regards indiscrets pour qu’il pût les faire changer de monde d’un claquement de doigts. 
Lena laissa échapper un rire doux et grave à la fois, avant d’entonner d’une voix mesquine :
— Passe le bonjour à Lilian pour moi. 
Et elle partit comme elle était venue, de sa démarche impériale et souple, tous les regards sur elle. Sean soupira, la tension quittant peu à peu ses muscles, l’afflux de magie dans ses veines refluant. Elle lui jeta un dernier regard par-dessus son épaule avant de bifurquer et disparaître dans une allée, une lueur joueuse dans le regard.
Était-ce de la sincérité ou de la provocation ? 

Ce texte est extrait du tout début d'un projet, Entrelacs. Il n'a pas encore de réelle consistance et l'intrigue est encore brouillonne. Les personnages, par contre, ne sont pas tellement capricieux et se laissent faire gentiment. 

21 nov. 2012

Valse Nocturne


Douce, douce est la nuit, sereine et lucide, elle oscille. C'est les premières lueurs de l'aube qui, silencieuses, s'étendent en teinte rosées. Peu à peu, l'obscurité soyeuse est chassée, comme soufflée par une brise printanière capricieuse, et laisse place au jour. Les rayons du soleil étendent leurs bras, agrippent le firmament, s'en emparent, le possèdent, et l'astre du jour, de cette traction divine, s'y élève, aussi paresseux que resplendissant. Dame la Lune s'efface et s'estompe ; elle entame une chute lente et paisible, sûre de son retour. La scène étoilée n'attend plus que la nuit suivante pour donner son bal nocturne, les planètes qui se dévoilent pour mieux se cacher, les astres par milliers qui dansent et virevoltent d'un rythme mesuré pour s'esquiver le jour venu. C'est une danse suave qui ne se dévoile qu'aux plus patients, elle s'étend, s'étend encore, éternelle et éphémère. 
Le temps n'est plus.

Texte retrouvé parmi mes brouillons pour le roman Les Enfants des Astres.

20 sept. 2012

Freedom


La brise murmure à qui veut l’entendre :
« La Liberté t’attend. »

28 juil. 2012

At the begining we were made of Chaos

Le Chaos.
La matière s’y entrelace dans un ballet suave. L’énergie tournoie, tourbillonne, attire et repousse. Les volontés s’y entremêlent puis se séparent, dissimulées sous leur manteau de brume. Aveugles, ils tremblent et tâtonnent, rampent et feulent. Se perdent. L’errance est si vite trouvée, humide et sans fin, dans ce brouillard de mystère, palpable, ondin et aérien, brûlant et glacial.
Le Chaos n’a pas d’odeur, juste une présence suffocante, une mère possessive qui agrippe jusqu’à ce que le souffle vous manque, un poids constant. Le Chaos n’émet aucun son mais les créatures oniriques qui y dérivent vous poursuivent de leurs lamentations sereines. Mais le Chaos est présence, consistance, et c’est ainsi que tous ceux qui sont originaires de cet endroit se reconnaissent ; il laisse une marque indélébile sur ses créatures, y appose son sceaux, ses mystères, il enveloppe de son souffle et possède.
Les consciences défilent, aléatoires, certaines silhouettes dotées d’une forme véritable, d’autres simple mirages de songes oubliés. L’interminable valse ballotte les âmes, certaines se rencontrent et, ensemble, trouvent la force de se forger un corps.
Prendre forme, aspirer l’énergie pure qui virevolte pour la faire sienne. Agglutinée, condensée, voilà que les Enfants du Rêve se débattent, s’étirent, se rencontrent. Deviennent volonté, s’empreignent d’un leitmotiv inexplicable, d’un besoin de liberté, un instinct nouveau.
Sortir, crever la surface du brouillard pour commencer à exister.
Enfin, les créatures s’extirpent et le monde, désolé, se dévoile à leurs yeux. L’horizon, ligne fascinante, intime au voyage et à la découverte ; la solitude tourbillonnante du chaos la quitte peu à peu pour laisser place à une nouvelle expectative, de nouvelles craintes… Car elles viennent de quitter la protection du giron maternel pour affronter l’inconnu.
Les consciences chimériques vacillent au contact de l’air si léger en comparaison à l’haleine du Chaos. De simples petites flammes, voilà ce qu’elles sont ; encore instables et craintives, elles découvrent leur propre existence, réalisent qu’elles pensent, songent, rêvent, sont véritablement palpables. Un frisson les parcourt à mesure que le poids de la vie s’impose à elles, léger, vertigineux, angoissant, et certaines sont tentées de faire volte-face, de replonger dans les brumes épaisses, d’y retrouver la protection réconfortante.
Le Chaos les repousse, les rejette, d’une caresse tendre et amère.
Avancez, curieuses chimères, car déjà, la brume du Chaos vous renie. Allez donc, explorez ce monde, foulez-le, humez-le, faites-le votre. Créatures oniriques par excellence, vous n’êtes pas au-dehors pour rien ; mère Chaos vous a sûrement laissées partir à dessein…
Et elle saura vous reprendre le moment venu.


Ceci est l'introduction de l'histoire de l'un de mes personnages, Lyn, remaniée pour les besoins du forum. Vous le trouverez sur Inverness

21 avr. 2012

Frenzy

Sometimes I wish I could express myself in English as well as I do in French. 
Still, I often need to write in English. 
Improvement is necessary.
Now.

9 avr. 2012

Aléas

Quand vient le moment de brandir la plume... 
J'inspire, je contemple la page. Les mots dansent sous mes yeux, me fascinent. Puis, l'inspiration, cette muse volage douce et cruelle, se dérobe, s'esquive, me nargue. Les mots trébuchent, se heurtent et s'emmêlent sans trouver consistance. Les voilà qui n'en font qu'à leur tête. Alors il faut laisser reposer le tout, patienter gentiment, s'occuper ailleurs. Les idées s'estompent ou s'intensifient dans un brouillard chargé de mirages. 
Et quand la muse est de retour, fraîche et pleine d'entrain, quand elle m'entraîne dans sa ronde joyeuse où les personnages s'épanouissent et prennent vie, ce n'est jamais le bon moment. 
C'est une agaçante conspiration. 

29 mars 2012

Danse d'écume

« With hands held high into a sky so blue as the ocean opens up to swallow you. »

Linkin Park


L’onde caresse son corps au rythme d’un courant doux et trompeur. Le sel et l’écume dessinent sur sa peau des arabesques suaves, épousant la moindre de ses formes. Les vagues se traînent dans une valse sereine, allant et venant sur le sable de leur sensualité presqu’indécente.
Ondine jalouse la mer. Un peu. Elle n’est jamais séparée de ses amants, elle. Ils sont là, éternels. Où qu’elle soit, en son fond comme sur ses rivages, son être effleure la terre, la cajole amoureusement ou la dévaste selon son humeur. Sur toute sa surface, la brise joue avec elle, elles dansent ensemble ivres et fiévreuses, inventent les tempêtes ou instaurent le calme. Elles régissent leur univers inconstant sous un ciel amusé et des astres bienveillants. Elle ondule aussi avec la lune, s’agite en marées silencieuse pour mieux apprécier son amie nocturne. Les nuages aussi l’aiment, aussi inconstants soient-ils. Ils aiment s’abreuver en elle quand le soleil se fait de plomb, aiment lui faire de l’ombre, aiment se faire brouillard pour l’effleurer, lui ressembler peut-être.
La jeune femme continue à avancer vers l’horizon. Elle n’a plus pieds maintenant ; mais quelle importance ? Là-bas, le bleu du ciel se découpe, majestueux. Le soleil poursuit sa course lente et inéluctable ; bientôt, les teintes changeront pour se parer des lueurs crépusculaires. Après, la nuit reprendra ses droits ; la danse deviendra alors nocturne, plus mystérieuse encore, plus sombre, plus intime. Jusqu’au matin suivant, où les flots s’éveilleront à nouveau sous une lumière nouvelle.
Cycle infini.
Ondine jalouse son idole. Ses enfants vivent en son sein pour toujours. Ils ne partent pas du jour au lendemain, la laissant seule et morose, vide et malheureuse. Ils vivent en elle, naissent et meurent dans ses bras d’écume. Jamais elle n’est seule. Tout son contraire. C’est une mère qui incarne la vie, une mère univers.
Et la danse l’emplit de sentiments contradictoires, tristes et joyeux.
Ondine s’est décidée. Depuis un moment déjà, l’idée germait dans son esprit, folle, obscène, impossible. Mais une fois enracinée, elle lui a paru tellement plus naturelle. Mille fois plus raisonnable que ces absurdités humaines. Après tout, elle n’avait plus personne, tous étaient partis avant elle, la délaissant dans un monde de souvenirs, sous le voile gris et amer de la solitude. Et si elle disparaissait à son tour, qui chérirait tous ces souvenirs ? Ceux de ses amis, de ses amants ? Celui de son mari, celui de ses enfants ? Elle ne pouvait pas laisser l’âge l’emporter, elle et sa mémoire, elle et son cœur. C’est pourquoi elle a préféré cette solution.
Aujourd’hui, c’est le jour parfait.
Ondine nage, déjà rodée à l’exercice, toujours dans son élément. Elle se sent à sa place quand le sel lui pique les yeux et brûle ses lèvres gercées, quand elle sillonne l’eau froide, quand elle inspire cette liberté à plein poumons. Une liberté un peu terrifiante et grisante. Une attraction mystique.
Essoufflée, elle s’arrête. Elle se sent bercée par les vagues et les courants. Au loin, l’horizon la nargue. Et elle ne se retourne pas ; elle devine aisément que la côte sera loin, très loin derrière elle. Elle a peur du doute, craint que si jamais elle aperçoit un bout de terre, l’envie de faire volte-face l’étreindra jusqu’à ce qu’elle cède ou étouffe. Plutôt que ça, elle préfère s’enivrer de la plénitude qui émane des bleus intenses de l’océan et du ciel.
Elle est nue, désormais. Elle ignore depuis quand. Avait-elle inconsciemment retiré son maillot ? La mer le lui avait-elle arraché pour mieux l’accueillir ? Elle se laissa glisser sur le dos, contempla les nuages qui s’effilochaient haut dans le ciel. En levant les bras, pourrait-elle les atteindre ? Un sourire effleura ses lèvres à cette pensée, puis elle ferma les yeux. Elle se laissa transporter par les courants invisibles, attendit patiemment qu’on l’accepte, que la mer la prenne dans ses bras. Puis qu’elle l’entraîne dans ses tréfonds froids et paisibles, si vivants avec leurs mille trésors cachés, leurs mystères éternels, qu’elle puisse enfin s’abandonner à ce réconfortant silence ouaté. Engloutie à jamais.
Un nouveau monde loin du tumulte.
Pour enfin devenir écume.



Texte que vous trouverez aussi sur mon compte ff.net,il peut être aisément privé de son contexte. Inspiré de la citation de Linkin Park, les paroles de la chanson n'ont, pourtant rien à voir.

26 mars 2012

Drev

Le sens-tu ?
Le souffle fétide qui caresse ton visage, les relents âcres de la mort couplés à la fraîcheur de la beauté. Quel subtil mélange, entre agréables senteurs et la pestilentielle cruauté.
L’entends-tu ?
Le rythme imposé par une démarche droite et hautaine, pareil à l’inéluctable promesse, accompagné du sinistre raclement de l’acier contre le béton.
Le ressens-tu ?
Le sentiment de terreur qui rampe depuis tes entrailles, qui tend vers ton cœur et l’étouffe. Elle se diffuse à travers ton corps, te glace le sang, te prive de tes mouvements. Elle te fige, te tétanise, toi, faible créature qui pensait pouvoir fuir.
La vois-tu ?
Impérieuse, elle avance, trainant sa Faux derrière elle, son instrument de mort qui ne demande qu’à trancher la chair. Jeunesse et intransigeance se disputent ce corps de femme. Ses prunelles d’acier te toisent et te méprisent, ses mains gantées sont parcourues de légers spasmes à l’exquise perspective du massacre. Son sourire carnassier relève de la démence.
Elle s’approche. T’atteint.
Chaque parcelle de son être appelle à la luxure, au décès. Tu sais pertinemment que si tu te jettes dans son étreinte mortelle, tu coures tout droit à la fin. Aucune compassion, mue par l’irrespect de la vie, elle ne connait qu’un mot : « Mort ».
Et alors, de sa voix profonde et mesurée, c’est sans aucun ménagement que la vérité t’est délivrée, létale, franchissant ses lèvres parfaites :
 « Crève. »

La petite explication
Drev est un personnage bien poussiéreux, une femme-fléau, une arme dévastatrice. Un texte un peu vieillot, mais auquel je tiens malgré tout.